Viandes végétales made in Sénégal

Viande de dimb – Salade composée by Green Veg’Ana

La viande de dimb (viande du Saloum)

Il y a un an de cela, je me rendais à la deuxième édition de la Foire à l’Innovation, place du souvenir à Dakar.

Un évènement initié par le programme Jigeen Ñi Tamit (« les femmes aussi ») qui appuie les entreprises féminines actives dans la transformation agroalimentaire dans les régions de Thiès et de Louga. Ce programme est mis en œuvre par l’Association pour la Promotion de l’Education et de la Formation à l’Etranger et le Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants, et financé par la Coopération Belge au Développement (DGD).

Cette foire soutient le travail des femmes entrepreneures, et c’est au travers de dégustations, ventes et ateliers culinaires que les visiteurs peuvent faire de belles découvertes.

C’est là qu’arpentant les allées, entre de nombreux étalages de confitures, jus et céréales locaux, je tombe sur le stand du GIE Ousoforal et sa marque de produits Nutrivie. Parmi les produits à l’honneur, la « viande végétale » présentée dans une barquette cartonnée attire toute mon attention, et j’anticipe très rapidement un « oh scandale », convaincue d’une imposture ou au mieux une erreur avant même d’avoir goûté.

Les femmes derrière le stand m’invitent alors gentiment à goûter un bout de leur « viande » d’un nouveau genre. Je leur rétorque qu’on ne l’a fait pas à moi, que ça « c’est pas végétal dê » !

Mais ma curiosité aiguisée me pousse à vouloir en savoir plus et à débusquer ce qui se cache derrière cette chose qui ressemble fortement à du dibi (viande grillée, une spécialité d’afrique de l’Ouest).

Latifa et sa mère Binta à la tête du GIE m’expliquent alors qu’il s’agit de la chair du dimb, le poirier de cayor.

De son nom scientifique Cordyla pinnat, le dimb est un arbre à fut régulier, au cime arrondi, à l’écorce brun clair et crevacée, qui pousse sur le continent africain et très présent dans la zone du Siné Saloum au Sénégal.

Ses fruits sont ronds et charnus, et à l’intérieur la pulpe verte renferme deux grandes graines sombres. Ils sont consommables lorsqu’ils deviennent jaunes et moelleux. Il suffit alors de le découper à l’aide d’un couteau, puis d’en aspirer la pulpe qui est sucrée. Le dimb est réputé pour ses racines vermifuges, purgatives, anti-diarrheiques, pour ses écorces qui soignent les abscés, les coliques et la fièvre mais aussi pour la qualité de son bois, utilisé pour fabriquer des pirogues et des instruments de musique.

Mais revenons-en à la chair du fruit.

Dimb séché – GIE Ousoforal à Sindia

Pour comprendre le process, je me rends en famille à Sindia à une cinquantaine de kilomètres de Dakar où se situe l’atelier de la famille Diedhiou.

A notre arrivée, Binta nous fait visiter son potager composé d’espèces végétales endémiques : menthe, mbante, citronnelle, hibiscus, nonu…, sa petite boutique puis l’atelier de fabrication des produits à base de dimb.

C’est là qu’elle nous explique le process de fabrication du dimb : la récolte des fruits du poirier de cayor se fait d’août à septembre. La noix est ensuite retirée et la chaire séchée pendant une semaine environ afin de le conserver. On obtient alors une sorte de coque assimilable à la bogue d’une noix.

C’est cette coque qui va être ensuite longuement réhydratée pour obtenir la viande végétale qui sera assaisonnée et épicée.

Niveau mâche je comparerais la texture de la viande de dimb à celle des champignons ou des rognons (pour le vague souvenir qu’il m’en reste !). Dans la région du Siné Saloum chez les Sérères, le dimb est réputé dans le couscous. Le GIE Ousoforal propose la viande en petits morceaux épicés mais aussi des produits dérivés comme du fromage et du lait d’un autre fruit, le pommier de cayor.

L’innovation réside dans le fait que les nouvelles générations connaissent peu ou pas du tout le dimb, et que le GIE le vend sous l’appellation « viande végétale », ce qui ouvre le champ des utilisations et de belles perspectives en matières d’alternatives végétales.

Le GIE Ousorofal a d’ailleurs reçu le prix de l’innovation de l’édition 2021.

Anacardier de Guinée Bissau
Pomme Cajou (fruit et noix)

La viande de cajou

Un an s’écoule et Nutrivie revient pour la troisième édition de la foire avec un autre produit cette fois  : la viande de cajou.

Il ne s’agit pas là de viande élaborée à partir de la noix de cajou mais bien de la chair du fruit aka la pomme cajou.

L’arbre à cajou appelé cajoutier ou anacardier pousse aussi au Sénégal et principalement dans la région du Siné Saloum.

En me rendant en Guinée Bissau par la route, j’avais été subjuguée par les interminables champs d’anacardiers. Des cajoutiers à perte de vue, et des fruits qui n’ont pas toujours le temps d’être récoltés, ce qui cause pas mal de pertes. Je croise quelques femmes qui s’attèlent ci et là à récolter les fruits, mais elles ne font pas le poids face aux usines espagnoles et portugaises qui exportent les tonnages vers l’Inde, là où la noix sera décortiquée (souvent dans des conditions peu éthiques).

La chair de cajou est quant à elle très peu ou carrément pas exploitée.

C’est justement cette chair de cajou que le GIE Ousoforal a décidé de proposer à la deuxième édition de la Foire à l’Innovation sous forme transformée en émincés, saucisses et steaks végétaux (qui eux contiennent aussi de la noix de cajou).

Viande de chair de cajou – GIE Ousoforal

L’aspect est bluffant très proche de la viande de mouton, la mâche est ferme et le goût est neutre à peine acidulé, non épicé ce qui laisse le choix au consommateur d’aromatiser à sa guise.

Le terme « alternative à la viande végétale » n’est pas à considérer d’un point de vue nutritif (pas plus que le fruit du jaquier de plus en plus utilisé en Europe pour sa similitude avec le poulet), la viande de cajou est probablement peu riche en protéines.

Mais si la question est : est-ce que cela ressemble à de la viande animale au point d’en inciter plus d’un à laisser tranquille nos amis les moutons pour un fruit souvent gaspillé ?

La réponse est : OUI, OUI et encore OUI !!!

Depuis que je suis végane voilà cinq ans maintenant, c’est bien la chose qui m’a le plus bluffée (hormis le Impossible Burger bien sûr !).

Après l’avoir bien épicé et mariné, la mâche de la viande de cajou est tellement proche de la viande animale, qu’il est difficile de ne pas se faire avoir. C’est tout simplement IN-CRO-YA-BLE !!!

Depuis son prix de l’innovation et mon tweet sur le sujet, le GIE Ousoforal a suscité depuis beaucoup d’intérêt et reçu beaucoup de sollicitations.

Binta et Latifa Diédhiou entendent poursuivre la recherche et le développement auprès de l’Institut de Technologies Alimentaires (ITA) pour obtenir les valeurs nutritives de la viande, développer d’autres produits comme du yaourt et améliorer la conservation des dérivés (lait, yaourt, fromage).

Tout cela est très prometteur pour le Sénégal et le continent africain en terme d’alternatives végétales !

Brochettes de viande de cajour by Green Veg’Ana

Pour ne pas vous laisser sur votre faim, je vous propose une petite recette de brochettes bien appropriée à base de viande de cajou avec une délicieuse marinade, vous verrez vous allez en bluffer plus d’un.e avec ça !

Brochettes de viande de cajou

Ingrédients 

  • Une barquette de viande de cajou
  • 1 poivron jaune
  • 1 poivron rouge ou orange
  • 1 poivron vert
  • 1 oignon
  • 2 gousses d’ail
  • 1 CS de persil émincé
  • 1 CS de coriandre émincé
  • 1 cc de moutarde
  • 1 cc de sauce barbecue
  • 1 cc de miso blanc
  • 100 ml d’huile d’olive
  • 1 pincée de cumin
  • 1 pincée de paprika
  • 1 pincée de moringa
  • 1 pincée de Netétou
  • 1 filet de sauce soja
  • Sel, poivre

Recette 

  1. Faire revenir la viande de cajou avec un filet d’huile d’olive et la sauce soja. Saler et poivrer.
  2. Laver et couper les poivrons et l’oignon en carrés.
  3. Préparer la marinade en mélangeant l’huile d’olive, l’ail écrasé, les épices, la moutarde, la sauce barbecue et les herbes.
  4. Badigeonner généreusement les brochettes à l’aide d’un pinceau avec la marinade.
  5. Enfiler 3 morceaux de viande en alternant avec les poivrons et l’oignon.
  6. Passer les brochettes quelques minutes au four ou à la poêle.

Et vous connaissiez-vous le dimb, la viande de cajou ? Connaissez-vous d’autres alternatives végétales à la viande en Afrique ? Laissez moi vos commentaires, j’ai hâte d’avoir vos retours !

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